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10ème Congrès National Aprovalbois

02.12.2015

Retour sur le congrès 2015

10e congrès national Aprovalbois

 

L’innovation incube dans les laboratoires de recherche, elle s’exprime dans les constructions en bois ou découle de la seule volonté d’un fabricant de meubles ou d’escaliers… Multiforme, l’innovation s’exprime à tous les étages de la « fusée » forêt-bois. Cette réalité fut particulièrement flagrante lors du 10e congrès national Aprovalbois organisé les 26 et 27 novembre à Dijon.

L’interprofession bourguignonne a une fois encore réussi son coup en faisant voyager son auditoire depuis l’arbre jusqu’aux produits bois les plus sophistiqués. Le voyage le plus étonnant est probablement celui que Jean-Charles Mogenet a programmé pour… 2018. À cette date, ce Haut-Savoyard entrepreneur de travaux forestiers et ses partenaires devraient être capables de transporter dans les airs au moyen d’un ballon deux tonnes de grumes sur deux kilomètres, à la vitesse vertigineuse de 10 m/s ! De quoi résoudre les problèmes de débardage en zone de montagne et supprimer tout impact au sol…

En laboratoire, on travaille dur aussi pour améliorer la préservation du bois tout en réduisant l’introduction dans la matière brute de produits biocides. À l’université de Pau, le chercheur Bertrand Charrier met au point pour l’industrie du panneau de nouveaux mélanges collants qui réduiront les émulsions de formaldéhydes ; application prochaine pour un fabricant de MDF dans les Landes.

Laboratoires toujours, avec les 19 000 tests réalisés par l’industrie de l’emballage léger pour démontrer que le bois, frais de sciage ou de déroulage, est le matériau ayant les meilleures propriétés pour emballer nos aliments. Cette démonstration est essentielle pour consolider les 2 000 emplois de cette filière.

Cette étude en partie financée par France Bois Forêt est un bel exemple de solidarité intra filière. En défendant les intérêts des fabricants d’emballage, la communauté forêt-bois favorise aussi le travail des producteurs et exploitants de peupliers, de pins ou d’épicéas. Ce congrès a particulièrement insisté sur l’intérêt du travail collaboratif associant les compétences des professionnels et des chercheurs autour d’un même objectif : trouver une solution innovante.

L’innovation consiste aussi parfois à (ré)inventer des choses simples. Pour faciliter l’usage des escaliers aux personnes âgées, le menuisier lorrain Gilles Somme a tout simplement doublé les marches d’un côté, ramenant le niveau de 18 à 9 cm. Les architectes Olivier Le Gallée et Geoffrey Setan ne sont pas allés chercher bien loin les bottes de paille nécessaires à l’isolation de la nouvelle salle municipale de Savigny-sous-Mâlain (21). Ils sont allés frapper à la porte d’un agriculteur voisin. Chantre des circuits courts, l’ingénieur franco-suisse Jean-Luc Sandoz, un habitué du congrès Aprovalbois, a exhorté les maîtres d’ouvrages publics à donner la préférence au bois, aux savoir-faire et aux matériaux locaux pour préserver l’emploi.

On retiendra enfin l’avertissement de Vincent Naudet, pépiniériste forestier, à propos de la baisse des plantations en France alors qu’aujourd’hui les variétés forestières améliorées garantissent une meilleure production et une diversité génétique.

Pour influer sur les politiques publiques et par exemple obtenir sa part légitime sur les fonds carbone, la filière aura probablement besoin de revoir sa communication. Jean-Philippe Bazot, président d’Aprovalbois, y voit un thème tout à fait approprié pour le 11e congrès en 2017...

[ APROVALBOIS.COM - Publié le 30/11/15 ]

 

 

 

Bourgogne / Dix ans de congrès Aprovalbois : les innovations forêt-bois en accélération

 

Comme à chaque édition depuis dix ans, mais avec en plus cette année un regard rétrospectif, le congrès Aprovalbois a mis en lumière, de l’amont à l’aval de la filière, les changements qu’elle connaît, via l’innovation, comme réponse à l’évolution du contexte socio-économique. L’accélération de cette évolution est vecteur de dynamisme pour la filière mais aussi porteuse de dangers. C’est une filière vigilante, apte à se nourrir utilement de différents points de vue et consciente qui s’est dessinée, orateur après orateur, à Dijon.

Performances environnementales, performances techniques, performances d’attractivité sur les marchés. Le congrès 2015 d’Aprovalbois portait ce titre explicite « Booster les performances du bois », qui évoque à la fois dynamisme volontaire et adaptation. L’imagination, la créativité, l’écoute sont sans aucun doute la « valeur à ajouter » dans les entreprises pour être performant en matière d’attractivité auprès du consommateur. Les preuves scientifiques sont elles «la valeur à ajouter» qui permet de miser sur les performances techniques du bois – les aptitudes du matériau existent, mais il s’agit de les prouver dans notre société basée sur l’expertise et l’assurance. Les attitudes économes sont « la valeur à ajouter » (paradoxalement) pour espérer une performance environnementale qui est synonyme d’abaissement de la consommation pour l’entreprise et des émissions et pollutions pour la société. Créateurs (architectes et designers), chercheurs, formateurs et entrepreneurs se sont succédé au micro pour faire part de leurs expériences « d’ajout de valeur ».

 

Bois à vivre !

La recherche de performance existe de l’amont à l’aval du secteur forêt-bois, mais il est notable que nombre d’exemples présentés au congrès ont concerné la deuxième transformation. L’amont s’adapte aux performances recherchées à l’aval plus souvent que l’aval ne s’adapte à des projets nés à l’amont ! Les recherches de performances à l’aval sont nombreuses à être appliquées à du bois déconstruit, ou au comportement du bois vis à vis d’additifs – peut-être parce que le secteur de la chimie dispose d’outils puissants –, d’où un cantonnement de la forêt dans un rôle « massifié » : ressource, matière première (même si la hiérarchie des usages est souvent pieusement mise en avant). La diversité des essences, la diversité esthétique des bois massifs, la diversité de leurs qualités intrinsèques, qui sont en elles-mêmes le fruit du plus grand laboratoire d’innovation, peuvent paraître ainsi passer un peu au second plan – tout du moins la richesse qu’elles représentent n’est-elle pas mise en avant ! Mais cela sans compter sur les créateurs !
Passeurs de la beauté et de l’aura de sensualité du bois, architectes et designers sont venus en nombre au congrès pour expliquer leurs démarches pour séduire les consommateurs : combiner le bois avec les nouvelles technologies numériques (escaliers Somme « connectés »), créer des jouets bois intemporels (Creativewood), habiller de bois «utile» (isolation thermique) des bâtiments vétustes et laids (I-Tech Bois, groupe Ducerf), optimiser le mariage bois et paille pour offrir des maisons design, financièrement compétitives et très efficaces au plan énergétique (Olivier Le Gallée et Geoffrey Setan architectes), construire en bois des bâtiments et des immeubles collectifs économes et accueillants (François Lausecker architecte).
A ces atouts du bois massif liés au vécu des utilisateurs (bien-être et fonctionnalité couplés) mis en avant par les créateurs, il convient d’ajouter sa performance acoustique. Cette tâche est revenue au congrès au représentant du Laboratoire d’application des sciences acoustique (Lasa) : le matériau bois offre la possibilité de répondre en finesse aux contraintes acoustiques dans la construction, par les multiples possibilités innovantes qu’il offre (plafonds ajourés, structures enchevêtrées, systèmes de cloisonnettes…), et il est très adapté aux bâtiments polyvalents. Point important : il faut veiller à faire coïncider théorie et chantier ! La démonstration sonore étonnante a aussi été faite par le Lasa de l’efficacité du bois en écran antibruit routier.

 

« Sur-bois » !

Outre sur la création, le congrès ouvrait donc une fenêtre sur la recherche. Là où celle-ci s’active pour apporter les preuves de performances du bois y compris sous des formes nouvelles (composites, panneaux avec colles biosourcées), c’est ainsi pour beaucoup dans le secteur de la chimie. Le but peut être de pallier une réglementation de plus en plus contraignante en termes de rejet (réglementation biocides) ou, par exemple, de diminuer le poids des matériaux (demande de l’industrie automobile pour limiter la consommation des véhicules). Daouia Massaoudi, du groupe français Berkem, a présenté la recherche conduite avec FCBA pour tracer à l’échelle microscopique par immunomarquage les produits de préservation sous la surface du bois : cette connaissance va permettre un meilleur dosage. Maëva Coureux, directrice d’Agro-composites entreprises, a présenté l’activité de formulation par ce cluster (20 PME) de mélanges résines polymères/fibres naturelles, selon les cahiers des charges des demandeurs. En matière de colles biosourcées, à base de tannin et de maïs, testées à l’université de Pau, Bertrand Charrier, responsable de Xylomat, a indiqué que des formulations mixtes fonctionnent déjà mais qu’il faut encore deux ou trois ans de travaux pour parvenir à des colles 100% biosourcées. Il a fait l’éloge des tannins – capables de se polymériser – au bel avenir selon lui.
En matière d’économie de produits de finition en ameublement, la gestuelle d’application compte beaucoup. C’est le constat simple et intéressant qu’a fait partager à l’auditoire Bernard Bourbon, spécialiste finitions à l’Afpia Sud-Est, qui intervient en formation dans les entreprises, avec à la clef des économies très conséquentes en produits pour celles-ci ! La réflexion au moment de la conception d’un produit est évidemment très importante pour économiser les matières et limiter les rejets. Philippe Barbier a présenté la chambre d’hôtel écoconçue du projet Futuro matériau. Si la présence du bois massif y est limitée, elle a été réalisée à partir d’une palette de matériaux innovants – répertoriés au sein de l’innovathèque de FCBA – et notamment du bois souple (bois contrecollé sur mousse) et du bois liquide moulé.
Un peu en marge dans le paysage des recherches présentées sur le matériau bois parce qu’appliquée au bois massif brut, celle expliquée par le délégué général du Siel, Olivier de Lagausie, a enchanté l’auditoire ! Elle ouvre en effet des perspectives d’usage du bois massif dans de nouveaux domaines. Son objectif était pourtant de (seulement) conforter le bois en emballage alimentaire via l’étude Emabois (1 million d’euros sur 5 ans) qui a opéré 19.000 tests relatifs à la migration entre bois et aliments (micro-organismes, composés volatils, etc.). Le bois s’en sort par le haut : en matière de microorganismes, il est même avantageux – il les absorbe grâce à sa porosité – ce qui pourrait conduire à des applications dans la restauration collective, les hôpitaux, etc. !

 

La forêt performante ?

Si la notion de performance – « dérivé de l’ancien français parformer (…) avec une valeur voisine de parfaire », est-il écrit dans le dictionnaire historique Le Robert – va plutôt de soi pour ce qui est d’un produit auquel est attaché un cahier des charges précis, elle l’est moins pour la forêt ! De fait, c’est surtout au plan quantitatif qu’il est demandé à cette dernière d’être «parfaite» ! La mobilisation – en petite propriété privée ou en zone difficile d’accès – est un sujet forestier incantatoire d’aujourd’hui. Un étonnant projet de recherche appliquée laisse entrevoir du nouveau à ce niveau. Jean-Charles Mogenet, co-gérant d’Echoforêt, entreprise de travaux forestiers, en est l’initiateur et l’a présenté au congrès Aprovalbois 2015. Il a repris l’idée du ballon à hélium pour le débardage en zone difficile (utilisée brièvement puis abandonnée au profit des hélicoptères en Amérique du Nord), et développe un prototype avec FCBA et Aistar (leader mondial du ballon éclairant qui se diversifie). Le ballon débardera grâce au câble synthétique 2 tonnes, dans un cercle de deux kilomètres, à 10 m/s. Vu le coût de l’hélium, le ballon restera gonflé durant toute sa durée de vie, cinq ans. La mise en route est attendue pour début 2016.
Autre sujet, celui de la carence en plantation. Un plaidoyer a été adressé aux auditeurs par le pépiniériste Vincent Naudet. Il a réexpliqué combien peu plantent les Français (70 millions de plants dont 45 de pins maritimes) au regard des Allemands (300 millions), des Suédois (345 millions), des Polonais (900 millions), et le danger que cela fait courir à la filière (la ressource résineuse va décroître à partir de 2030). Son intervention faisait préambule à la présentation par Alain Bailly, du pôle biotechnologies-sylviculture, des avancés, en matière de variétés forestières améliorées. Il a montré que beaucoup de facteurs peuvent être l’objet d’amélioration, de la rectitude des fûts aux caractéristiques moléculaires. La conception d’arbres « OGM » (reconstituer un arbre à partir d’une cellule) n’est pas faisable a-t-il précisé, compte-tenu de la complexité des génomes des arbres, mais le marquage génétique est utile pour la sélection, un processus assez long (20 ans pour «donner» une graine).
Sans qu’elle ait été explicitement introduite au programme, il est une performance que les entreprises du bois accomplissent : celle de l’emploi dans les territoires. Emploi menacé si l’on s’en réfère à la spirale infernale de la dette, a expliqué Jean-Luc Sandoz. L’ingénieur bois dirigeant le bureau d’études international CBS-CBT était l’invité avec Jacques Ducerf, dirigeant le groupe Ducerf, et Claude Roy, président du club des bio-économistes, de la table ronde «Rétrospective sur les neuf congrès d’Aprovalbois». Il a plutôt parlé prospective, démontrant combien prévoir l’autosuffisance des territoires en matière d’alimentation et de construction est primordiale dans le contexte d’une économie mondiale au bord de la crise de nerf, et surtout comment cela peut-être un formidable atout pour la filière ! De son discours, on peut conclure que l’emploi doit être un argument central de la filière pour convaincre les décideurs publics d’aider le bois dans les territoires. A noter ici que le vice-président du conseil régional de Bourgogne, Jacques Rebillard, est venu assurer la filière de son soutien. Un peu aux antipodes, la vision de Claude Roy mise sur le greenreading par les grands groupes internationaux. Jacques Ducerf, en pragmatique entrepreneur, a tout simplement pour sa part annoncé un projet de doublement de capacité de sa scierie ! C’est en introduction au congrès que le président d’Aprovalbois Jean-Philippe Bazot avait résumé la situation : l’adaptation dépasse le simple cadre de l’entreprise.

[ Fabienne Tisserand - LE BOIS INTERNATIONAL - Publié le 10/12/15 ]

 

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